Le Travail du Préparateur

 

A part Strirling Moss qui, dit-on, aurait pu gagner des courses de Formule 1 avec une brouette, si Alf Francis l'avait poussée, la mécanique entre pour un tiers dans le résultat final, les deux tiers d'une victoire revenant au pilote. Par contre, le préparateur portera 100% de responsabilité en cas d'abandon sur panne, et le terme de fiabilité mécanique prendra tout son sens lorsque votre pilote aura abandonné sur incident mécanique, alors qu'il était en tête, et qu'il vous poursuivra dans le parc coureur, une manivelle à la main...

Il suffit d'écouter les pilotes pour constater que le mot "préparateur" revient souvent. Essayons de définir cette noble profession. Qu'en pense la rumeur publique ? Le préparateur de voitures de course est un individu généralement jeune que l'on rencontre parfois le dimanche sur les circuits. Son activité rincipale a pourtant lieu en semaine dans un local mystérieux où, à huis clos, il traque les chevaux et fait d'un moteur pousssif une bête de race. Son antre est difficile d'accès. Le seul fait d'y pénétrer timidement risque de vous faire encourir les foudres du maître de céans. Toutes les pièces en cours d'élaboration disparaissent de votre vue, et le préparateur devenu sorcier vous refoule sans douceur vers un endroit où vous n'aurez pas la possibilité de voir ses tours de mains ou de percer ses secrets.

Excellente définition, mais elle était certainement plus d'actualité à l'époque où un maréchal ferrand plus ou moins bricoleur pouvait devenir génial en quelques instants... C'est une période révolue, et le préparateur a troqué depuis longtemps sa baguette magique contre une règle à calcul, et ses locaux insalubres contre un atelier plein de matériel. Le folklore y a perdu beaucoup, mais les résultats ont fait de gros progrès.

Nous considérons le travail du préparateur dans le cadre de leur "grande époque", les formules de promotion des années 70, qui ne laissaient que peu de liberté d'action. Une lecture approfondie des règlements permettaient d'éviter de gros problèmes, et on pouvait alors commencer. Oubliez totalement ce que vous avez pu entendre dire. Il n'y a pas de réglages miracles et l'intervention de dernière minute qui va faire gagner la course est à proscrire. Démontez totalement le moteur que vous avez à préparer. Etalez-le sur un établi et essayez de le comprendre. Etablissez un bilan minutieux de ce que vous constatez. Ne pas oublier que dans un moteur à pistons, la plus grande partie de l'énergie de la combustion est gaspillée de 2 façons : pertes thermiques et pertes par inertie et frottements. Le travail consistera donc à limiter ces pertes.

Les pertes thermiques sont particulièrement difficiles à modifier. Un moteur dégage un certain nombre de calories qu'il est nécessaire d'évacuer pour conserver une température interne correcte. Le rôle du préparateur sera donc de déterminer à quelle température le moteur obtient son meilleur rendement , et de tenter de conserver cette température pendant la course.

Les pertes par inertie : c'est le drame des moteurs à pistons alternatifs. Considérez que 200 fois par secondes, vos pistons s'arrêtent et repartent dans la direction opposée, quand le moteur tourne à 6.000tours/min. Le moteur de Formule Renault de l'époque, par exemple, interdit toute modification, hormis la mise au poids des bielles.

Les pertes par frottement : elles sont importantes, et à tous niveaux, segments, pistons, poussoirs, arbre à cames, soupapes, ligne d'arbre, pompe à huile, distribution. Il est bien sûr possible de les réduire en jouant avec les tolérances d'usinage des pièces, ou avec leur usure au fil des kilomètres, mais il faut bien considérer que le fait d'augmenter un jeu ou de modifier un point précis, fait inévitablement varier un autre paramètre. Exemples : augmenter le jeu des pistons pour obtenir plus de liberté et éviter le serrage vous fait perdre de l'étanchéité. Durcir les ressorts de soupapes entraine une augmentation de l'effort de rotation de l'arbre à cames. Augmenter la pression d'huile implique une puissance supérieure pour entrainer la pompe. Etc.. Il appartient donc au préparateur d'examiner un par un tous les points où il peut y avoir des pertes d'énergie, d'essayer diverses solutions, et de trouver le compromis qui donnera le meilleur résultat.

Nous venons de parler de tolérances d'usinage. Quelque soit la nature de l'usinage, il y a obligatoirement une fourchette entre la pièce en côte maxi et mini. Prenons un exemple : les pistons et chemises. Nous trouvons sur la R12 Gordini, 3 catégories repérées par une touche de peinture. En panachant les 3 possibilités, nous pouvons donc faire varier le jeu entre chemises et pistons de 6 à 12 centièmes, soit du simple au double. A l'origine, le constructeur prévoit 9 centièmes.

Il faut bien admettre qu'à partir du moment où il y a un usinage de pièce, il y a une tolérance dont l'importance sera conditionnée par le prix de revient de la pièce. Documentez-vous sur le prix d'un malheureux quatre cylindres de F3 ou F2, et vous constaterez que la précision d'usinage coûte une fortune. Il est donc impératif de contrôler toutes les pièces d'un moteur. Ce contrôle est relativement simple pour des pièces ne nécessitant qu'une seule mesure, comme la hauteur de culasse, les diamètres des chemises et des pistons, la hauteur du bloc moteur, etc... Par contre, il vous faudra penser et réaliser de nombreux outils pour le reste des contrôles à effectuer. Villebrequin, arbre à cames, chambres de combustion, blocs moteurs, bielles, culbuteurs, ... Une fois que vous aurez la possibilité de tout contrôler, il ne vous restera plus qu'à choisir les pièces qui vous semblent à même de donner de bons résultats et à les essayer. Essayer les toutes, même celles qui ne vous plaisent pas, et comparez les résultats. C'est le seul moyen pour parvenir à définir votre moteur et à coup sûr à réaliser des mécaniques qui se tiennent en performances dans une fourchette étroite, et non un bon moteur pour dix mauvais.

Jusque là, il n'y a aucune trace de sorcellerie, mais un travail méthodique qui s'avère particulièrement efficace. Le choix de vos pièces étant fait, il vous reste le montage. Vous choisirez vos coussinets en fonction du jeu que vous désirez. Les sièges de soupapes seront soignés au maximum et vous contrôlerez le rodage de soupapes (culasse à l'envers, essence dans les chambres de combustion et air comprimé dans les tubulures). Votre étanchéité est parfaite, les ressorts de soupapes montés présentent le même tarage, les tubulures sont alignées sans le moindre coup de grattoir, et le villebrequin tourne avec une très faible résistance (sans point dur évidemment). Fermez le tout et passez votre moteur au banc.

La boîte de vitesses subira le même sort que le moteur. Elle sera démontée entièrement, et remontée en veillant à ce que rien n'entrave son bon fonctionnement. Il n'y aura sur le propulseur, bien entendu, aucune fuite d'huile, aucun filetage douteux, aucun écrou "foiré", indémontable.

 


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